• 15. Opération Dragon

    Il y a trop de stars et pas assez d'acteurs. La popularité acquise au Box-office rend les stars très puissantes. Malheureusement, beaucoup profitent de cette puissance pour en abuser.

    Bruce Lee

     

    Depuis quelques années, Fred Weintraub, vice-président créateur de la Warner avait essayé de mener à bien certains  projets avec Bruce, dont le dernier avait été The Warrior, finalement renommé kung-fu, qui avait eu du succès aux Etats -Unis. Après cela et essayant de suivre la même idée Weintraub avait préparé pour Bruce le scénario d'un western nommé Kelsey, qui n'a jamais abouti. Bruce, lui, était devenu le roi du cinéma asiatique et n'avait vraiment plus besoin de prendre part aux projets américains, bien que cela lui soit toujours resté en travers que l'on n'ait pas pris son projet en compte et qu'on ne lui ait pas donné d'opportunité. La Flûte Silencieuse était aussi tombée à l'eau  Le projet de Bruce serait finalement modifié et deviendrait un film avec le même titre, sorti au début de 1979 avec David Carradine interprétant les rôles que Bruce devait tenir. En France, le film avait pour titre Le Cercle de Feu. et Bruce avait reconverti l'idée dans de futurs scénarios comme, Le Conquérant de la Montagne d'Or avec un bambou, Coup de poing du Sud / Jambe du Nord y compris indirectement Le Jeu de la Mort.

     Bruce avait laissé en Amérique de bons amis ayant des situations privilégiées et avec lesquels il avait gardé contact : Parmi eux Ted Ashley, aujourd'hui président de la Warner, et Fred Weintraub à qui il avait envoyé des copies de ses 2 premiers films qui à son tour, les avait montrés à Ashley et à d'autres directeurs pour tenter de donner le jour à un projet. "Bruce  m'a adressé une copie du film Big Boss et je l'ai amenée à Richard Ma, chef de la division asiatique de la Warner, parce qu'il était le seul à comprendre ce genre de films", explique Weintraub "J'ai aussi préparé un laissez-passer pour Ted Ashley et il m'a dit : Tente le coup de démarrer". Mais aucune des propositions de Weintraub ne paraissait assez intéressante. Après la première de la Fureur de Vaincre, Bruce a envoyé une nouvelle copie, cette fois avec les recettes de box-offices "mais ce qui ne suscita aucun enthousiasme. Personne ne croyait qu'il y arriverait", admet Weintraub. Malgré tout, Bruce a toujours gardé contact avec la Warner il y a eu en janvier 1972 l'intention que Roman Polanski deviennent le directeur d'un de ses films : "Roman, je t'écris en tant qu'ami, car tu sais combien je suis  impliquer dans les arts martiaux. Si les choses se passent bien avec la Warner Brothers, serais-tu intéressé de diriger pour moi un film spécifique sur les arts martiaux ? On se connaît et toi tu connais des arts martiaux, de plus tu es un excellent directeur  (tu as beaucoup d'admirateurs ici en Orient). Cela m'a incité à t'écrire. Mais si tu ne peux pas, ne te fais pas de soucis".

    Il ne mènerait finalement aucun projet à bien ensemble mais, pour Bruce, au début des années 70, l'Occident, heureusement, a commencé à montrer de l'intérêt pour le monde oriental; et , dans le domaine du cinéma, ce qui marchait le mieux financièrement c'était Bruce Lee ; qui a dit à un journaliste : " l'ouverture de la Chine apportera davantage de compréhension , des innovations et peut être que par comparaison, une nouvelle idée pourrait voir le jour ". La Warner ne voulait pas être laissé en reste dans la nouvelle tendance et s'est lancé dans l'exploitation du marché asiatique. Bruce décida de s'en ouvrir à Ted Ashley et de mettre cartes sur table: " malgré tous les avantages, une frustration  reste inévitable : l'industrie cinématographique d'Hong Kong est définitivement en retard dans la qualité de comparaison avec d'autres pays leaders. Tel que je le vois et que je le sens, ce Chinois envahira sûrement avec succès les Etats-Unis d'une manière ou d'une autre . je suis sûr que si tu te consacres sérieusement et honnêtement à cette affaire, nous arriverons à faire quelque chose de bénéfique pour nous 2. Si ce projet est mené à bien, nous allons nous amuser comme de bons amis".

    Ashley à finalement cédé et , de même que Bruce et Chow.

    En été 1972, Ashley a envoyé Weintraub à Hong Kong avec une proposition pour Bruce . Pendant qu'on tournait les scènes de combat du Jeu de la Mort tous les 2 se sont réunis pour parler du projet , qui disposerait d'un budget de 500000$ américains, bien qu' à Hollywood cela équivaut à un épisode pilote d'une série de TV d'une heure, à Hong Kong c'était un gros budget. 

    Le premier problème, parmi les nombreux qui apparaîtront pendant la gestation du film, s'est présenté avant d'avoir signé le contrat, parce que bien que Bruce soit prêt à sauter le pas, Chow était assez réticent pour un motif simple: Bruce était sa poule aux yeux d'or et savait qu'il ne pouvait pas économiquement concurrencer un grand studio. Ses possibilités pour le retenir étaient de lui offrir une liberté créative totale, mais si Bruce obtenait cette même liberté des autres studios , en plus des bénéfices inévitablement plus intéressants, il pourrait le perdre. Aussi, il a essayé de le convaincre qu'en étant le numéro un en Asie, il n'avait pas besoin de tout risquer pour un film américain. Bruce n'était pas attaché à Chow, aussi ce dernier a été obligé d'accepter pour rester dans la course du gain. 2 semaines après l'arrivée de Weintraub à Hong Kong, il était sur le point d'abandonner tout le projet devant les difficultés de ce qui devait être une simple formalité. Finalement les 3 hommes se sont retrouvés dans un restaurant et on réussi à signer le contrat. C'était en octobre 1972 ,on avait bloqué le tournage du Jeu de la Mort et Opération Dragon était déjà en marche. Au final, Bruce avait obtenu ce qu'il désirait tant il en a fait part à son ami Jhoon Rhee : " ça va très bien. Non je devrais dire excellent. Tu me connais. C'est tellement bon que je suis fou de joie".

    Ce même mois, Bruce est parti avec Chow aux Etats Unis pour traiter les différents aspect du tournage: superviser l'embauche d'acteurs, choisir le directeur… Bruce serait l'acteur principal du film qui serait tourné à Hong Kong, mais la Warner voulait s'assurer le soutien du public occidental en ajoutant un acteur de race blanche et un autre de race noire; ainsi tout le poids ne porterait pas sur un seul interprète et chacun d'eux pourrait attirer un public différent.

    Pour le rôle de Ropper ( le personnage caucasien) ils ont choisi John saxon.

    Pour le rôle du méchant O'Hara (avec la fausse cicatrice) ils ont choisi Bob Wall qui avait travaillé avec Bruce dans la Fureur du Dragon.

    Pour le rôle de Williams (le personnage noir) ils ont choisi le champion de karaté poids moyen de cette année-là : Jim Kelly. 

    Sur le personnage O'Hara, Bob Wall raconte: "quelque chose que presque personne sait, c'est que à l'origine le rôle avait été proposé à Chuck Norris. Chuck n'en a pas voulu parce que son  personnage allait mourir. Il avait décidé de devenir une star  et ne voulait pas mourir parce qu'il avait déjà été tué une fois par Bruce dans la Fureur du Dragon".

    Pour le rôle de Han, le moine honni de Shaolin et le criminel de l'île, a été assigné à Shih Kien , acteur aux plus de 800 films.

    Pour le rôle de Mai Ling, un agent infiltré, ils ont choisi Betty Chung.

    Pour le rôle de Bolo, garde du corps de Han, ils ont choisi Yang Sze .

    John Saxon :  Il pourra recommencer à batailler avec Bruce Lee sur des îles de la mer de Chine. L'Américain John Saxon, connu pour son rôle dans le film de kung-fu Opération dragon et prolifique acteur de séries, est mort à l'âge de 83 ans, des suites d'une pneumonie, rapporte Variety     Bob Wall, Bruce Lee, Chuck Norris     Jim Kelly est né en mai 1946. Il a grandi dans le Kentucky, a évolué comme athlète et a rejoint différentes équipes de baseball et de football américain. Il a commencé à pratiquer les arts martiaux en 1964 et a ensuite obtenu une ceinture noire en karaté après avoir déménagé en Californie. Il a dit qu'il voulait devenir acteur après avoir remporté différents tournois de karaté.     

    Ce qui distingue Opération Dragon, du point de vue des acteurs,  des autres films de Hong Kong, c'est le fait qu'il nous montre une véritable collection de vedettes de cinéma. Pas un seul non important qu'il n'y soit pas , et ça a été une des raisons pour laquelle il y a eu constamment des conflits pour que tout se passe dans le plus grand professionnalisme.

    Peu de gens savent que Shih Kien a déjà travaillé avec Bruce dans son film d'enfant acteur : Love (partie II).  Betty Chung      Plus tard, Yang Sze changerait son nom d'artiste par celui de Bolo Yeung en honneur à son personnage le plus célèbre. En 1986, il a travaillé avec Brandon Lee, fils de Bruce, dans le film Legacy of Rage.

    Quatre membres de l'opéra cantonais Les Sept petites Fortunes, ont travaillé sur le tournage : Samo Hung (coordinateur des cascadeurs et l'homme avec lequel Bruce combat au début du film). Jackie Chan (l'homme de Han que Bruce frappe d'abord avec la longue canne et plus tard lui casse le coup dans la scène du combat dans le cachot), Yuen Wah (doublure de Bruce dans 3 scènes acrobatiques, ainsi que doublure de John Saxon dans une scène dans laquelle celui-ci s'élève du sol d'un bond) et Yuen Biao très jeune avec ses 16 ans à peine qui apparaît parmi les habitants de l'île en pratiquant ses techniques aériennes. Avec eux, de nombreux cascadeurs qui ont joué des chutes, luttes, acrobaties avec des blessures, contusions, fractures ….

    Yuen Wah : Dans la lutte contre Samo Hung, quand Bruce saute en s'appuyant des mains et qu'il est propulsé vers l'avant pour frapper le visage de Samo avec le poing. Quand Bruce effectue un saut mortel au-dessus d'un groupe de moines avec les bras en l'air, et la plus célèbre de toutes, celle dans laquelle Bruce effectue un saut mortel en arrière en frappant O'Hara avec un coup de pied au visage.                 Yuen Biao, Jackie Chan, Samo Hung (de l'Opéra Cantonnais "Les Sept Petites Fortunes".

    Pendant le tournage, Bruce a subi d'intenses pressions. Il ne s'agissait pas d'un film de plus sur les arts martiaux, mais du véhicule qui lui ouvrirait définitivement les portes du marché occidental ; et il y avait beaucoup de gens à satisfaire. D'une part, il n'était pas disposé à donner l'image du Chinois typique et il voulait que les Occidentaux voient la beauté des arts martiaux et de la philosophie orientale. D'autre part, il ne voulait pas donner l'impression qu'il s'était vendu à l'argent américain, ni être devenu une marionnette des blancs, qui le feraient passer pour un imbécile. "Bruce devait travailler pour tout le publique et non seulement pour ses compatriotes" a expliqué Robert Clouse. "Il  pourrait porter de jolis vêtements de soie chinoise, mais devrait soigneusement être habillé par les meilleurs tailleurs occidentaux". Bruce a expliqué : "Je suis responsable d'une bonne partie du scénario. J'ai une responsabilité énorme parce que les Américains n'ont pas réellement d'information sur les Chinois. Le scénario doit être beau également d'un point de vue artistique".

    Quand tout paraissait prêt pour commencer à tourner, Bruce disparut du plateau. Il était très énervé suite à plusieurs évènements ; comme des conflits avec les producteurs, avec lesquels il se sentait trompé, le manque d'intérêt pour le projet qu'il percevait et le fait que chaque jour un nouveau scénario arrivait avec l'espoir qu'il lui plaise. "Il s'est passé 2 ou 3 semaines avant que Bruce ne réapparaisse", reconnait Clouse. "Pendant ce temps, je recevais des télégrammes hystériques de la Warner Brothers : Où est Bruce ? J'ai continué à dire qu'il allait réapparaître un jour parce que Linda me l'avait dit".

    Bruce est finalement réapparu. "Je l'ai trouvé très différent du garçon que j'avais connu à Los Angeles", admet Clouse.

    Linda se rappelle : "Quand Bruce est arrivé à la maison, il m'a exprimé sa frustration. Le fait que Raymond Chow ait présenté le film comme une production de la Golden Harvest montrait que Raymond Chow avait l'intention de rester au gouvernail. Il mettait Bruce à l'épreuve mais il a démontré qu'il n'était pas disposé à céder d'un pouce sur son projet le plus important. Bruce a mis les points sur les i et tous l'ont respecté pour son attitude. Après tout, c'était son premier film international et c'était sa carrière qui était en question, pas celle de Raymond".

    La situation est arrivé à un point tel, qu'on a même pensé en écarter Bruce et tourner le film avec un autre acteur, mais tout le monde est revenu à la réalité, spécialement quand Bruce est apparu grâce à la médiation de Linda, qui lui a fait voir les choses autrement. Dés le début, elle est une pièce clef pour que le film puisse terminer. "Chaque fois qu'il avait un problème, il allait voir Linda : elle était la seule qui avait la sensibilité pour pouvoir traiter avec Bruce. Opération Dragon ne se serait pas fait sans l'aide de Linda", assure Weintraub.

    "A sa première scène, Bruce montrait une certaine agitation", rapporte Clouse. "Personne ne savait si c'était dû au début du film où à l'article du journal. En peu de temps, un tic nerveux lui est apparu sur le visage, puis ça disparaissait". Sauf les jours où il est sorti du plateau suite à des conflits survenus pendant le tournage, Bruce a repris son travail et s'est consacré corps et âme.

    "Il s'était engagé sur tous les aspects de ce film", rapporte Linda. "Il a ajouté beaucoup de dialogue et a changé des scènes, Bruce était insistant, presque jusqu'au point qu'il soit devenu difficile de travailler avec lui, parce qu'il voulait que ce soit parfait. Il savait précisément ce qu'il voulait, il avait un objectif en tête et savait ce qu'il voulait communiquer, tant en termes de croyance dans les arts martiaux comme dans sa philosophie personnelle, et il était déterminé à mettre sa vision en partie dans ce film".

    Bruce n'était pas de ce type d'acteurs qui exigeaient un traitement spécial, et non plus quelqu'un qui se serait senti honteux d'appartenir à sa race ou son peuple. Dés le début, il a montré clairement sa façon de faire en travaillant avec tout le monde, en partageant son temps libre avec tout le monde et en particulier avec les cascadeurs, qui constituaient le plus bas échelon de la production. Pour lui, toutes les personnes avaient la même importance. Il s'asseyait avec eux pendant les pauses, mangeait avec eux. "C'était plus qu'une camaraderie", a rapporté Clouse. "Il connaissait bien leurs besoins. Certains travaillaient même comme garde du corps et auraient sûrement donné leur vie pour sauver Bruce. Ils étaient durs, loyaux, dépendants de lui d'une certaine manière". Et cette estime était réciproque. Bruce savait l'admiration qu'ils ressentaient pour lui, sa façon de les récompenser était de s'asseoir manger avec eux, refusant les plats de plus grande qualité, exigeant qu'ils leur payent des heures supplémentaires ; il s'est aussi assuré qu'un cascadeur, qui avait souffert d'une fracture du bras en essayant d'arrêter une chute de Bob Wall , reçoive les soins médicaux et l'argent pour sa rééducation.

    Parmi eux, il y avait aussi des opportunistes qui prétendaient obtenir une notoriété en s'affrontant à la star du film. C'étaient des gens qui n'avaient rien à perdre et beaucoup à gagner. "Dans Opération Dragon, il y avait des centaines de figurants, la plupart, de jeunes garçons", se rappelle Linda. "Il y en avait un qui a constamment défiait Bruce, en lui criant : Je ne crois pas que tu puisses faire tout ce que tu dis. Au début Bruce l'a ignoré et transformé le défi en plaisanterie, mais il a finalement dit au garçon : Ce que tu penses m'importe peu. Le garçon s'est vanté que Bruce avait peur de combattre avec lui. Bruce l'a supporté jusqu'au jour où toutes les pressions l'avaient mis de si mauvaise humeur qu'il a accepté une rencontre", continue Linda. "Bruce a rapidement frappé et le garçon est tombé aussi sec. Il s'est levé la lèvre ensanglantée, pour être démoli à nouveau. La rage de Bruce s'est rapidement évanouie et il a joué avec le garçon jusqu'à ce que celui-ci se rende. Ce n'était pas son intention de le blesser physiquement, mais seulement lui donner une leçon". Comme il fallait s'y attendre, les journaux ont raconté l'histoire à leur manière. L'édition de Hong Kong Star a écrit que Bruce avait laissé le garçon presque inconscient pendant une rencontre amicale, le blessant sérieusement à la bouche. Le contenu du China Mail n'était pas très différent. "Bruce ne pouvait jamais gagner, et était, en un certain sens, pris dans un piège dont il ne pouvait pas échapper", explique Linda. "S'il acceptait un défi, il semblait être un profiteur, s'il le refusait, on le faisait passer pour un imposteur ou un lâche. Le pire était que où qu'il soit, il y avait toujours une bonne histoire pour les journaux".

    Le caméraman Henry Wrong a été témoin par hasard d'une de ses rencontres : "Un figurant a demandé à Bruce de lui apprendre à donner un coup de pied d'une manière particulière. Bruce a mis beaucoup de temps à lui faire comprendre sa technique." Quand Bruce lui a dit qu'il devait partir, le figurant a insisté pour qu'ils combattent, mais quand il a refusé, le figurant l'a traité de lâche. "Après ce que lui avait montré Bruce, ce n'était pas juste qu'il lui dise cela" ajoute Wrong. "Il s'est jeté sur Bruce et ils ont combattu, mais peu de temps. En un instant Bruce avait bloqué son rival, lui cassant une côte. Après ça Bruce se sentant mal à l'aise a donné de l'argent à la mère du figurant pour payer le médecin, environ 4000 $ américain. J'avais tout filmé, Bruce m'a demandé de détruire le film".

     

    Les relations entre l'équipe américaine et chinoise n'ont jamais été très cordiales. Les Occidentaux se moquaient généralement des Orientaux avec des commentaires sarcastiques. Presque toutes les instructions devaient être traduites, des deux côtés, aussi les traducteurs sont devenus indispensables. C'était vraiment une perte de temps de devoir traduire de l'anglais au chinois et du chinois au japonais, et refaire le processus pour la réponse.

    Le matériel de tournage qui avait été loué était vieux et fonctionnait mal.

    En dépit de leurs différences, les membres de l'équipe occidentale ont fini par apprécier leurs collègues chinois. "Après avoir vu les conditions si difficiles dans lesquelles ces gens travaillaient, nous commencions à avoir un grand respect pour eux", a admis Clouse. A Hong Kong, le manque de moyens techniques était remplacé par une grande imagination et une recherche de nouvelles ressources

    Ils se sont chargés de fabriquer tout type de décors afin de baisser les coûts : décorations, lampes, relief rendu avec du papier hygiénique et farine ajustés à la main, des boîtes qui semblaient en bois mais réalisées avec de la terre cuite…. Y compris (la guillotine-élévatrice de Han). Ce dispositif a été mis en fonction manuellement, ils y ont passé toute une nuit a essayer qu'il soit parfaitement synchronisé et qu'on ne remarque pas qu'il ne fonctionnait pas. "C'étaient des gens remarquables", exprime Clouse.

    Malgré la progression du film, les problèmes et les retards ont continué. Début mars, Jim Kelly est hospitalisé pendant plusieurs jours.

    Dans une scène, sur le bateau, sous l'effet de la houle, le bateau a commencé à couler petit à petit. L'acteur Archer, qui ne savait pas nager, a commencé à paniquer et se voyait déjà noyer dans la mer de Chine, Il a finalement pu être secouru juste avant que le petit bateau coule. ; mais lorsqu'ils ont essayé de hisser à bord le bateau qui avait coulé dans les eaux profondes de la Chine communiste, ils devenaient des cibles potentielles pour les éventuels patrouilleurs de guerre qui auraient pu les descendre. C'étaient des moments de grande tension pour tous.

    Quelques scènes requéraient la présence de plusieurs prostituées, mais trouver des actrices qui interprèteraient un tel rôle était une tâche très compliqué à Hong Kong. "Si ce n'était pas une vraie prostituée, on ne pouvait pas la filmer. Sinon, c'était considéré comme un signe de malchance", a expliqué Clouse. Ils ont donc contacter quelques unes dans un club de nuit, et ceci a été un motif de malaise entre les figurants puisque "ces filles percevaient 150$ par jour, mais eux seulement quelques dollars", a commenté Clouse. D'autres figurants pour le film a été facile à trouver comme des vagabonds et des ivrognes qu'on a enfermés dans de fausses prisons le temps du tournage de la scène.

     Pour obtenir un plus grand réalisme, deux lutteurs de sumo sont venus du Japon pour la scène d'un banquet. "Scène la plus couteuse et plus pénible. On a eu besoin du plus grand plateau des studios, quelques deux cent figurants. Pour ajouter de la couleur à la scène, on a rempli le plateau avec un réservoir d'eau plein de langoustines, de 200 cages et autant d'oiseux, d'énorme quantité de nourriture, des nains faisant des cabrioles, des lutteurs de sumo, danseurs-dragons, une grande quantité de lampes et des quantités démesurées d'encens pour créer une atmosphère enfumée" a assuré Clouse. Le producteur Fred Weintraub, se plaignait de l'argent dépensé pour les repas de si bonne qualité ; les lumières. Les oiseaux mouraient par le choc des lumières qui s'allumaient, quand se n'était pas par la chaleur des projecteurs ou par l'atmosphère sur- chargée d'encens. Les repas se décomposaient par la chaleur ; en prime, l'entrée à Hong Kong des lutteurs, leur a été refusée : ils ont dû repartir au Japon avant que tout soit réglé et revenir.

    Un autre incident des plus sérieux a été dû à un cobra. Le serpent devait se montrer nerveux, avec la tête dressée, prêt à l'attaque, mais resté dans l'obscurité d'un sac, il s'était endormi, se montrant très docile. "Au tournage, Bruce lui donnait des coups sur la tête" a raconté Clouse. "Après des jours de ce traitement, le serpent contrarié a fini par mordre Bruce". Par chance, le poison avait été extrait par le loueur de serpent, mais cela n'a pas empêché un nouveau retard dans le tournage. L'incident le plus grave s'est produit durant le tournage de lutte entre Lee et O'Hara. Selon le scénario, Bruce frapperait Bob Wall sur la main et il lâcherait les bouteilles, mais au moment de le faire, Wall a tardé plus que prévu. "Elles étaient en verre, car à Hong Kong, il n'y avait pas de bouteilles truquées", a expliqué Clouse. Linda ajoute : "Tout ce verre qu'on voit se casser dans les films à Hollywood est une imitation fait de sucre et il est sans danger. A Hong Kong, ces méthodes sophistiquées étaient inconnues. Malheureusement, pendant cette prise, Bruce a frappé trop rapidement et Bob n'a pas eu le temps pour lâcher les bouteilles. Bruce s'est empale sur le verre coupé et pointu, et le sang a jailli en jets. Il a eu des coupures impressionnantes sur la main".

                

    "Nous l'avons réalisé parfaitement six fois et l'accident est survenu à la septième prise", explique Wall. "Il a eu besoin de douze points de suture sur un doigt", a raconté Clouse. Le tournage a dû à nouveau être arrêter. Wall raconte : "Clouse a profité de la situation pour causer davantage de problèmes, il a fait courir le bruit que Bruce était furieux et qu'il allait me tuer, ce qui était absolument ridicule. C'était totalement faux. La vérité est que je me sentais très mal. La bouteille l'a coupé aux articulations et ils dû arrêter le tournage pendant une semaine. Cette même nuit, je suis allé le voir chez-lui et, évidemment, il n'était pas très content". Après une semaine, la scène devait se terminer, Wall raconte : "Pendant le tournage Bruce m'a lancé un vrai coup de pied latéral, si fort que lorsque je suis tombé en arrière, un des cascadeurs s'est cassé le bras avec une chaise. Si Bruce avait vraiment voulu me faire du mal, il aurait pu sans aucun problème".

    Les scènes du tournoi ont été tournées sur un courts de tennis dans la propriété d'un ancien avocat M W Lo (celui qui plus tard à découvert que Bruce et lui étaient des parents éloignés), elles ont requis de nombreux figurants, à peu près 400. "Beaucoup d'eux appartenaient à des bandes rivales et les confrontations pour les scènes de combat finissaient généralement dans de véritables guerres. Les luttes ne terminaient pas toujours, quand je criais : Coupez!", a affirmé Clouse.
    Si Opération Dragon est un film épique et s'il a été considéré comme le Autant on Emporte le Vent des arts martiaux, c'est uniquement et exclusivement dû à Bruce Lee. Dés le début et jusqu'à la fin, il a mis toute son énergie et son dévouement pour que le film soit unique et spécial. "Bruce rentrait à la maison, mangeait, dormait très peu", se rappelle Linda. " Il se levait, étudiait et travaillait à améliorer les chorégraphies et les combats, dessinait les mouvements des lutteurs. Quelque fois, il se déshabillait durant le trajet en voiture et allait directement au gymnase pour effectuer ses exercices. Il n'arrêtait pas". Bob Wall ajoute " Nous tournions les scènes de lutte jusqu'à ce qu'il sente qu'elles soient excitantes. Parfois c'était des douze heures de travail. Bruce se montrait infatigable". André Morgan se rappelle : "Il est resté une matinée entière à faire, pour une séquence de lutte, une douzaine de prises. Une, puis deux et trois et quatre et la cinquième, elle étaient toutes bonnes, mais il a continué et à fait six puis sept et huit successivement parce qu'il n'était jamais satisfait. C'était très intense".
    Kurt Hirshler, éditeur du film a rapporté : "Il est rapide comme l'éclair, et tout ce qu'il fait est parfait.". Clouse a commenté " Souvent, on m'a demandé si Bruce était réellement aussi rapide que les gens l'affirmaient. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il avait des réflexes les plus rapides que j'ai jamais vus. Dans une prise, afin de voir sa main frapper, nous avons dû accélérer la caméra à 32 photogrammes par seconde. A vitesse normal, on ne voyait pas sur le film".

    Jim Kelly L'acteur Jim Kelly,  est décédé à son domicile de San Diego à cause d'un cancer à 67 ans.Il a joué dans de nombreux films au cours des années 70, comme "Black Belt Jones", "Three the Hard Way" et "Black Samurai". "Operation Dragon" est son deuxième film.  "C'était l'une des meilleures expériences de ma vie", avait-t-il dit au sujet de sa collaboration avec Bruce Lee. "Bruce était tout simplement incroyable, absolument fantastique. J'ai beaucoup appris en travaillant avec lui. J'ai probablement apprécié de travailler avec Bruce plus qu'avec quiconque.             

    De son côté Bruce avait déclaré : "Plus on est décontracté, plus les réflexes sont rapides". "J'ai une complète concentration aussi fluide que l'eau. Dans mes films, s'est mon expression avant la lutte. Regarder soigneusement. Mon expression est différente de celle des autres qui ont leurs yeux ouverts, comme en tension, et les dents serrées. Mon expression est celle de quelqu'un ensommeillé".

    Après une multitude de répétitions techniques, de chorégraphie, de fatigue physique, Bruce a fini avec une lésion musculaire (une de plus) dans l'aine qui l'a maintenu hors jeu pendant des jours.

    Excepté pour les premiers plans, la majorité des scènes de lutte entre Bruce et Shih Kien (Han dans le film) ont été effectuées avec une doublure. Shih Kien, âgé de 60 ans, ne pouvait les faire lui-même.

    Bruce a pensé qu'ils avaient besoin d'un début de film plus imposant et vif. Aussi,  Bruce a dirigé et tourné celle qui serait sa dernière scène vivant : une confrontation entre lui et le coordinateur des cascadeurs Samo Hung, qui débuterait le film et montrerait aux spectateurs dès le début, les qualités de Bruce dans les arts martiaux.

    Bob Wall, Bruce Lee             

    "La réalisation s'est achevée fin mars 1973 en laissant tout le monde épuisés. Mais la fin à valu la peine. On n'aurait pas recréé cette atmosphère orientale à Hollywood même avec un million de dollars", a admis Clouse.

    Le long métrage a été porté aux Etats-Unis, où les directeurs ont vu le film et ont été tellement impressionnés que, bien que le budget ait été initialement de 500 000 $ à 800 000 $, ils ont acceptés de dépenser 50 000$ de plus dans sa sonorisation. En mai, Opération Dragon est arrivé en post production. Bien que tourné avec du son, le film a été doublé à Lalo Schiffrin  Boris Claudio Schifrin, dit Lalo Schifrin, né le 21 juin 1932 à Buenos Aires, est un pianiste, chef d'orchestre, compositeur, arrangeur musical argentin célèbre, entre autres, pour ses musiques de film (Bullitt, L'Inspecteur Harry, Opération dragon…) et de séries (Mission impossible, Mannix, Starsky et Hutch…). Schiffrin a eu un rendez-vous déjeuner avec Bruce au cours duquel ils ont parlé des arts martiaux et du style de musique pour le film, Schiffrin a raconté : "Nous avons bien discuté. Il m'a raconté que dans son dojo il pratiquait chaque jour avec la musique de Mission Impossible. J'étais son compositeur favori. Quand il m'a dit cela j'étais, évidemment, totalement enchanté".cause des bruits de fond excessifs et l'impossibilité de faire taire toutes les personnes présentes sur le tournage, il fallait ajouter des effets sonores, la musique (qui serait à charge du compositeur argentin Lalo Schiffrin) .

    En juin Bruce a vu une première projection dans les studios de la Warner. Clouse rapporte : "Quand il a fini, que les lumières on été rallumées, Bruce a souri et a dit : ça y est, on le tient !!!".

    A défaut d'un titre définitif on a essayé plusieurs possibilités, et, finalement c'est l'avis de Bruce qui a été retenu.

    Selon les mots de Bruce : "Enter the Dragon suggère l'urgence (l'entrée) de quelqu'un (une personnalité) de qualité". Celle-ci allait faire son entrée sur le marché international.

    Enthousiasmée, la Warner a offert à Bruce un contrat pour effectuer un nouveau film, pour la somme inouïe d'un million de dollars, seulement à titre de salaire.

    Dans une page de la copie du script Bruce avait écrit : "Celui-ci va être le plus impressionnant combat jamais mis sur une pellicule en couleur Eastman Kodak #5254 !" Mais Bruce n'arriverait jamais à voir les résultats de tant d'effort…. Linda se rappelle avec tristesse : "Je n'imaginais pas qu'il restait à mon Petit Dragon moins de trois mois à vivre".

    Un mois avant la première d'Opération Dragon, Bruce Lee nous laissait pour toujours.

              

     

    Source : L'homme derrière la légende de Marcos Ocaña Rizo

     

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